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vivacité fébrile du geste était vraiment douloureux à observer ; il était beau et moi j’étais bizarre ; on devait l’admirer et me plaindre. Je lus cet arrêt sur la physionomie de mon père, que le miroir trahissait sans qu’il s’en doutât. Toutes les fois qu’il m’est arrivé de plonger dans les sentiments secrets d’autrui, je ne les ai presque jamais trouvés tels que j’aurais souhaité les inspirer. Ceux de Gérard, du moins, me furent toujours un livre bien doux à lire ; c’était du dévouement sans mélange de compassion, car me trouvant aimable, il ne pouvait admettre que je ne fusse pas heureux. D’autre part, ma tendresse pour lui ne connut point d’arrière-pensée. Parlait-il ? je me complaisais à voir les gens attentifs au mouvement de ses lèvres, l’approuver, lui répondre avec intérêt. J’ai vécu par mon frère ;