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SCIENCE DE LA MORALE.

réelles et douloureuses, parce qu’elles ont leur source dans des métaphores et des fictions.

Il semble qu’en tout ceci il y ait beaucoup de profit et peu de peine : peu d’efforts, peu d’exercice de la pensée ; observation, recherches, réflexion, tout cela est superflu, aussi superflu que pénible. La folie et l’arrogance, la folie la plus aveugle, l’arrogance la plus orgueilleuse, se trouvent à l’aise ensemble. Grâce à ces arbitres du goût moral, les plaisirs sont écartés, les peines sont appelées à les remplacer, ainsi qu’à la voix du médecin de Barataria les mets s’éloignaient de la présence de l’affamé Sancho ; mais, du moins, le médecin de Barataria ne leur avait pas substitué du poison.

Des sacrifices, c’est ce que demandent tous nos moralistes du jour ; le sacrifice, pris en lui-même, est nuisible, et nuisible est l’influence qui rattache la moralité à la souffrance. Ils paraissent ignorer, ces hommes, combien la morale peut être efficace sans avoir rien de pénible ; elle doit réveiller des pensées de contentement et de joie, non de tristesse et de malheur. Il est certain que moindre sera la portion de bonheur sacrifiée, plus grande sera la quantité qui restera ; c’est là la véritable économie du plaisir,