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DÉONTOLOGIE.

somme de bonheur. Chaque homme est à lui-même plus intime et plus cher qu’il ne peut l’être à tout autre, et nul autre que lui ne peut lui mesurer ses peines et ses plaisirs. Il faut, de toute nécessité, qu’il soit lui-même le premier objet de sa sollicitude. Son intérêt doit, à ses yeux, passer avant tout autre ; et en y regardant de près, il n’y a dans cet état de choses rien qui fasse obstacle à la vertu et au bonheur car comment obtiendra-t-on le bonheur de tous dans la plus grande proportion possible, si ce n’est à la condition que chacun en obtiendra pour lui-même la plus grande quantité possible ?

De quoi se composera la somme du bonheur total, si ce n’est des unités individuelles ? Ce que demandent la prudence et la bienveillance, la nécessité en fait une loi. La continuation de l’existence elle-même dépend du principe de la personnalité. Si Adam s’était plus soucié du bonheur d’Ève que du sien propre, et qu’en même temps Ève eût subordonné son bonheur à celui d’Adam, Satan eût pu s’épargner les frais d’une tentation. De mutuelles misères eussent détruit tout avenir de bonheur, et la mort de tous deux eut mis à l’histoire de l’homme une prompte conclusion.

Quelles déductions importantes tirerons-nous