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SCIENCE DE LA MORALE.

turé aujourd’hui qu’une portion considérable de la race humaine est encore exclue de l’exercice de la bienfaisance, et traitée comme des animaux inférieurs ; non comme des personnes, mais comme des choses. Les animaux, il est vrai, n’ont qu’une puissance d’action fort limitée sur la sensibilité humaine, que peu de moyens de faire éprouver à l’injustice et à la cruauté le châtiment qui leur est dû, et moins encore de donner à l’homme, par la communication du plaisir, la récompense de son humanité et de ses bienfaits. Nous leur ôtons la vie, et en cela nous sommes justifiables ; la somme de leurs souffrances n’égale pas celle de nos jouissances : le bien excède le maL Mais pourquoi les tourmenter ? Pourquoi les torturer ? Il serait difficile de dire par quelle raison ils seraient exclus de la protection de la loi. La véritable question est celle-ci : « Sont-ils susceptibles de souffrances ? Peut-on leur communiquer du plaisir ? Qui se chargera de tirer la ligne de démarcation qui sépare les degrés divers de la vie animale, en commençant par l’homme, et descendant de proche en proche jusqu’à la plus humble créature capable de distinguer la souffrance de la jouissance ? La distinction sera-t-elle établie par la faculté de la raison ou celle de la parole ?