Page:Bentham - Déontologie, ou science de la morale, tome 1.djvu/101

Cette page n’a pas encore été corrigée

SCIENCE DE LA MORALE. 85

chose, on trouvera que depuis l’origine du monde, les hommes ont souvent, d’une manière imperceptible et en dépit d’eux-mêmes, appliqué ce critérium utilitaire à leurs actions, au moment même où ils le décriaient avec le plus d’acharnement.

En effet, des hommes se sont rencontrés qui se sont imaginé qu’en s’infligeant à eux-mêmes des souffrances, ils faisaient une action sage et vertueuse. Mais leurs motifs, après tout, étaient les mêmes que ceux du reste des hommes ; et au milieu des tortures qu’ils s’imposaient, ils comptaient sur un résultat de bonheur. Ils pensaient qu’une moisson de plaisirs futurs devait croître sur le sol des peines présentes ; et dans l’attente de cette moisson qu’ils se figuraient abondante et sans limite, ils trouvaient leur jouissance. Ils prétendaient encore que la patience était une vertu, le courage une vertu, et que l’homme juste serait récompensé pour les avoir pratiquées. Ils paraissent n’avoir pas compris que l’Être divin, s’il est juste et bon, ne saurait vouloir qu’aucune portion de bonheur soit inutilement sacrifiée, aucune souffrance inutilement endurée : leur ascétisme était de l’utititairianisme renversé. Ils imaginèrent d’approuver des actions, parce qu’elles entraînaient avec elles