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Elle avait fermé les yeux, au moment de tourner le bouton ; mais maintenant elle les rouvrit, curieuse d’observer l’aspect du monde disparaissant. Elle s’était promis de faire cela, dès le premier jour : ainsi, du moins, elle ne perdrait aucun détail de cette unique et suprême expérience.

Or, il lui sembla, d’abord, que rien ne changeait. C’étaient toujours, en face d’elle, la cime feuillue du frêne et le toit de plomb ; au-dessus, c’était toujours l’épouvantable ciel noir. Elle nota même un pigeon qui, tout blanc contre le noir du ciel, prit son essor, traversa le cadre de la fenêtre, et disparut dès l’instant suivant.

Et puis, peu à peu, des choses arrivèrent, des choses comme celles-ci :

Elle éprouva une sensation soudaine de légèreté extatique, dans tous ses membres. Elle essaya de soulever une main, et découvrit qu’elle ne le pouvait plus : sa main n’était plus à elle. Elle essaya d’abaisser ses yeux de cette tranche roussâtre de ténèbres, et s’aperçut que cela, également, lui était impossible. Alors, elle comprit que sa volonté, déjà, avait perdu contact avec son corps, et que le monde, qu’elle avait voulu fuir, s’était éloigné d’elle, déjà, infiniment. Et cela était bien ce qu’elle avait espéré : mais ce qui continuait à l’étonner étrangement, c’était que son esprit restât, toujours encore, actif. Il est vrai que le monde qu’elle avait connu s’était, désormais, soustrait du domaine de sa cons-