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taine ; et il sembla à la jeune femme, très nettement, qu’à ce bruit de roues se mêlait un murmure de voix innombrables, criant, chantant, et applaudissant. Après quoi, de nouveau, ce fut comme si le monde s’était tapissé de ouate : un silence, une immobilité extraordinaires.

Et Mabel, à présent, commençait à comprendre. L’obscurité, les bruits, n’étaient point pour tous les yeux et toutes les oreilles. La garde n’avait vu ni entendu rien d’anormal ; et, sans doute, le reste du monde ne voyait ni n’entendait rien de tel. Pour eux, cela signifiait, tout au plus, l’approche possible d’un orage.

Mabel, cependant, n’essaya pas de faire la distinction entre la part subjective et la part objective, dans ce qu’elle sentait. Elle ne se demanda pas si ce qu’elle voyait et entendait était en gendré par son cerveau, ou bien perçu au moyen d’une faculté inconnue jusqu’alors. Elle eut, simplement, l’impression d’être déjà séparée du monde qu’elle habitait la veille encore : ce monde s’écartait d’elle, ou plutôt changeait en elle, passait à un autre mode d’existence. De telle sorte que l’étrangeté de ces ténèbres et de ce silence ne la surprit pas beaucoup plus que celle, par exemple, de la petite boîte peinte qu’elle voyait déposée sur la table.

Et, tout à coup, sachant à peine ce qu’elle disait, les yeux fixés profondément sur l’obscurité sinistre du ciel, elle se mit à parler.

— Oh ! Dieu ! dit-elle, si vraiment vous êtes là, si vraiment vous existez…