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Seule dans sa chambre, ce soir-là, Mabel s’étonnait qu’une personne intelligente pût être aussi aveugle. Et puis quelle confession de faiblesse, en vérité, de ne penser qu’à appeler le prêtre ! C’était si absurde, si ridicule !

Elle-même avait l’impression d’être remplie d’une paix extraordinaire. Elle opposait l’individualisme égoïste du chrétien, sa préoccupation effrayée de la mort, au libre altruisme du croyant nouveau, qui ne demandait à la vie que ce qu’elle pouvait donner, et qui admettait parfaitement de rentrer lui-même dans l’immense réservoir d’énergie d’où il était issu, à la condition que l’esprit de Dieu triomphât dans l’humanité collective. Elle se disait, que, en cet instant, elle aurait été heureuse de tout souffrir, d’affronter la mort ; et le souvenir de la vieille femme mourante, là-haut, la pénétrait de pitié.

Lorsqu’elle remonta dans la chambre de sa belle-mère, avant de se mettre au lit, elle vit que la malade dormait. Sa main droite reposait sur la couverture, et toujours, entre ses doigts, retenait la singulière rangée de petites perles rondes. Mabel, doucement, s’efforça de lui enlever des doigts le rosaire ; mais la main ridée se referma sur lui plus étroitement, et un murmure sortit des lèvres entr’ouvertes. « Ah ! quelle pitié, se dit Mabel, qu’une telle âme persiste dans de telles ténèbres ! »

Trois heures sonnaient, et l’aube grise se reflétait sur les murs, lorsque la jeune femme,