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« anti-démocratique », tout de même qu’en matière de gouvernement et de vie sociale. Les hommes avaient appris un petit fragment de la Vérité ; et, naïvement, ils s’imaginaient que ce fragment était la Vérité tout entière. »

M. Manners s’arrêta, pour reprendre haleine. Visiblement, ce discours était pour lui un plaisir infini. Il était né conférencier ; et en vérité ses phrases, avec tout ce qu’elles avaient de solennel, acquéraient dans sa bouche une vie et un relief singuliers. Mais surtout elles surprenaient et fascinaient le prélat assis à la tête de la table : car elles lui révélaient un changement prodigieux, et tout à fait inexplicable pour lui, dans la pensée humaine du temps. Il gardait en effet, à l’arrière-plan de son esprit, le souvenir que les mots dont se servait à présent l’orateur, des mots tels que « les hommes instruits », « les hommes d’expérience », etc., étaient ceux-là même dont se servaient les représentants de l’irréligion pour se désigner eux-mêmes ; et voici que ce Manners, un savant et un homme d’État, affirmait le plus tranquillement du monde que, dorénavant, toutes les personnes instruites et expérimentées se trouvaient être des chrétiens catholiques !

Aussi est-ce avec un redoublement d’intérêt qu’il écouta la suite du discours de M. Manners.

— « Et maintenant, disait celui-ci, voyons un peu de quelle façon la vérité catholique est redevenue, une fois de plus, la religion du monde