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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Une belle se damne ; on la presse, on l’enflâme,
On fait contre elle cent efforts :
Afin de vous sauver, le Ciel a mis vôtre âme
En sûreté dans vôtre corps.

Ce sera pour vos biens, si l’on vous importune ;
Et si quelqu’un vous aime un jour,
Afin de le blesser, il faut que la Fortune
Dérobe des traits à l’Amour.

Si le cœur vous en dit, et si vôtre âme goûte
Les appas d’un si doux péché,
Achetez un galand : quelque cher qu’il vous coûte,
Vous aurez toûjours bon marché.

Vous le verrez tout bas, demandant son salaire,
Soûpirer d’un ton obligeant ;
Quelque chétif qu’il soit, s’il travaille à vous plaire,
Il gagnera bien son argent.

Qu’il sera malheureux, s’il faut qu’il se propose
D’acquérir l’esprit par le corps !
L’amour qu’on vous témoigne est une étrange chose.
Quand le respect en est dehors.