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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Je ne le puis nier, ce fut avec justice
Qu’elle eût pitié de moy quand il en fut saison ;
Mais elle peut bien par caprice
Ce qu’elle fit lors par raison.

Hélas ! il me souvient qu’au fort de mon martyre,
À pas lens et craintifs, dans l’ombre de la nuit,
J’allois afin de le luy dire
Sans faire scandale ni bruit.

Mais, bien que d’elle-même un autre ait la victoire,
Qu’elle perde à son gré la honte et la pudeur,
Pourveu qu’elle n’ait pas la gloire
De nous faire perdre le cœur.

Quoique je me courrouce et que je me dépite,
Me désespérer tant et me plaindre si haut,
Ce n’est que prêcher son mérite
Et que publier mon défaut.

Il faut bien qu’à son rang tout le monde l’adore ;
Pas un de cet honneur ne doit être privé,
Et j’ay tort d’y prétendre encore,
Puisque mon règne est achevé.