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STANCES, SONNETS, ÉPIGRAMMES.


Il en a beau faire le fin,
Si ma chute luy plaît, l’exemple l’importune ;
Quelque établi qu’il soit, peut-estre mon chagrin
Fait trembler sa bonne fortune.

Quand l’objet est léger et vain,
Le dernier soûpirant se doit tenir alerte ;
Qu’auroit-il plus que moy ? j’ay fait le même gain,
Il peut faire la même perte.

Chacun débite sa douceur,
Chacun, en fait d’amour, se supplante et se choque ;
Et je gage déjà que de mon successeur
Quelqu’un regarde la défroque.

À vôtre gré prenez l’essor,
Je n’en murmure point, ce n’est plus mon affaire ;
Mais, entre nous, combien prétendez-vous encor
Avoir d’inconstances à faire ?

Tout passe, les attraits s’en vont ;
Et quand vous n’aurez plus cette grande jeunesse,
Eussiez-vous, s’il se peut, un caprice plus pront,
On vous gagnera de vîtesse.