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LA MORT D’ACHILLE.

Briseide.

Si vous n’eſtiez Achille ou ſi je n’eſtois femme,
Je voudrois vous oſter cette frayeur de l’ame.
Hé quoi vous laiſſer vaincre à des illuſions !
Que fait voſtre courage en ces occaſions ?
Ne voyant dans ces lieux que meurtres, & que peſtes,
Quels ſonges feriez-vous que des ſonges funestes ?

Achille.

Soit une illuſion, ſoit phantoſme, ou vapeur,
Les prodiges ſont grands, puis qu’Achille en a peur.

Briseide.

Encore, beau Vainqueur, qu’eſt-ce qui vous effraye ?

Achille.

Patrocle m’aparoiſt, & me fait voir ſa playe,
Au milieu de la nuict ſon phantoſme ſanglant
S’approche de mon lict d’un pas affreux, & lent :
Et quand je l’aperçois, ou que je l’entends plaindre,
J’aymois tant cet amy que j’ay peur de le craindre.
Il m’appelle, il me preſſe, & me comblant d’effroy,
Me dit d’un triſte accent, tu m’as vangé, ſuy moy.
Là ma bouche eſt ſans voix quelque effort qu’elle faſſe,
Je me la ſens fermer par une main de glace,