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TRAGEDIE.

C’eſt Hector, c’eſt Troïle, Hecube, & Polixene,
Je crains la mort des uns, & des autres la haine,
Vous oſtez à la mere un nom qui luy fut doux,
Et vous aymez la Sœur qui ne l’eſt plus par vous,
Vous leur ajouſtez foy, n’eſt-ce pas un preſage
Du peril evident où le ſort vous engage ?

Achille.

Achille concevroit une ſotte terreur ?
« Ha qui fait tout trembler ne doit pas avoir peur ! »
Il faut, quoy qu’Ilion contre luy s’évertuë,
Que pour le voir mourir Polixene le tuë,
Si tu pleures ſa vie en de ſi belles mains,
Il te dira mourant, je te hay, tu me plains ;
L’arreſt de mon deſtin ſortira de ſa bouche,
Et puis pour me frapper il faut qu’elle me touche,
Entre les plus heureux qui le fut jamais tant ?
Elle vivra vangee, & je mourray content.
Mais je n’eſpere pas des punitions d’elle,
Je ſuis trop peu coupable, elle est trop peu cruelle,
Et puis pour me punir avec plus de rigueur,
Ses beaux yeux ſçavent bien le chemin de mon cœur.
Pour toy ſi ton repos n’eſt pas icy tranquille
Pour vivre ſeurement éloigne toy d’Achille,
Tant de laſches diſcours ſont vains & ſuperflus.

Alcimede.

Periſſons, j’y conſens, & je n’en parle plus.