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TRAGEDIE.

Voſtre ſeule preſence anime noſtre cœur,
Et nous ſommes vaincus, ſi vous n’eſtes vainqueur.
Venez donc comme un foudre au milieu des allarmes,
Que je vous reconnoiſſe encore par les armes,
Vous perdîtes Patrocle en un pareil courroux,
Si vous ne nous menez combien en perdrez vous ?
Si juſques à la fin le malheur nous travaille,
Sans avoir combattu vous perdrez la bataille,
Et les Troyens ravis ſe vanteront après
D’avoir bien profité des querelles des Grecs.
« Une diſſention rompt la plus forte armee,
Et de tant de projets fait un peu de fumee :
Sa malice affoiblit ce corps le demembrant,
Et fait mille ruiſſeaux d’un vaſte, & fier torrent. »
Quoy vous voir à la paix ardent plus que perſonne,
Que pouvez-vous penſer que l’armee en ſoupçonne ?
Vous offencez la Grece, & ſur tout Menelas,
Vous le pouvez vanger, & ne le faites pas ;
Vous voulez tout avoir de puiſſance abſoluë,
Et ne combattrez plus ſi la paix n’eſt concluë,
Et l’accord eſtant fait des Troyens, & de nous,
En quelle occaſion nous obligerez-vous ?
Ce n’eſt pas qu’en la paix vous ne ſoyez utille,
Mais c’eſt par la valeur que vous eſtes Achille.
Je dis ſans vous flatter quel eſt mon ſentiment,
Et parlant en amy je parle hardiment,