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TRAGEDIE.

Vous voulez par des cris en obtenir le don,
Et contre la juſtice, & contre la raiſon ;
Que voſtre fils Hector en ait abatu mille,
Ait combattu pour vous, ait deffendu ſa ville,
Et pouſſé contre nous par un courage ardent
N’ait pas meſme eſpargné mon plus cher confident,
À qui d’un coup de pique il fit mordre la terre,
Je ſçavois ſa valeur, & les lois de la guerre ;
Mais de le deſpoüiller apres l’avoir tué,
Que ce laſche projet ſe ſoit effectué,
Le rendre apres cela c’eſt une faute inſigne,
Il auroit les honneurs dont il eſt trop indigne,
Et l’on diroit de moy l’autheur de ſon treſpas,
Achille fait mourir, mais il ne punit pas.

Priam.

N’eſtoit-il pas puny, s’il vous parut coupable,
Lors que mort, & vaincu, ce Prince deſplorable
Traiſné par vos chevaux, percé de part en part
Faiſoit le tour des murs dont il fut le rempart ?
Quand on voyoit ſa teſte en ſi triſte eſquipage
Bondir ſur les cailloux ſanglante, & ſans viſage,
Et que de tout cela nous eſtions les teſmoins,
Patrocle, & ſa vengeance en vouloient un peu moins.
À quel reſſouvenir voſtre rigueur m’oblige !
Pour vous perſuader faut-il que je m’afflige ?