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LA MORT D’ACHILLE.

Faittes reflexion ſur la miſere extreſme
D’un père ſans enfans, d’un Roy ſans diadeſme :
Car le treſpas d’Hector met Priam à ce point,
Il eſt père, il eſt Prince, & pourtant ne l’eſt point.
Quant à moy je ne plains que cette mauvre mere.
Ha ! combien ſa douleur luy doit ſembler amere,
De voir que ſon fils mort eſt en voſtre pouvoir,
Et de n’eſperer pas peut-eſtre de le voir !
D’un favorable accueil conſolez leur triſteſſe,
C’est une cruauté d’oprimer qui s’abaiſſe.

Achille.

Je ne doy pas außi m’abaisser devant eux.

Briseide.

Priam eſt touſjours Roy bien qu’il ſoit malheureux,
Vous le devez traicter come on traicte un Monarque,
Biẽ qu’un Roy ſoit tout nu, jamais il n’eſt sans marque :
« Bien qu’il ait deſpouillé tout ce que les Roys ont,
La Majeſté lui reſte encore ſur le front ;
Cette pompe inviſible, & ce rayon celeſte
Eſt de tous ſes honneurs le dernier qui luy reſte.
Le Sort dont l’inconſtance, & l’eleve, & l’abat
Peut tout ſur ſa couronne, & rien ſur cet éclat. »

Achille.
Alcimede va querir Priam.

Qu’il vienne, je ſuis preſt d’entendre ſa rèqueſte :
Oüy, je reſpecteray ce qu’il a ſur la teſte,