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LA MORT D’ACHILLE.

Qu’elle ne vienne à moy que par la noble voye,
Je ne la craindray point pourvueu que je le voye,
Je l’ay veuë effroyable, & la verrois encor,
Sans pallir je l’ay veuë au front du grand Hector :
Mais la fine qu’elle eſt fait ſon coup dans le calme,
Souvent elle ſe cache à l’ombre d’une palme,
Et c’eſt là le ſujet de ma timidité,
Je me fie au danger, & crains la ſeureté.

Briseide.

Cet inſtinct qui confond nos deux ames enſemble :
Confond nos paßions, vous craignez, & je tremble.
Achille, au nom des Dieux teſmoins de noſtre amour,
Par mes yeux, par mes pleurs, conſervez-moy le jour,
Refroidiſſez un peu cette chaleur extreſme,
Et ne meurtriſſez point l’innocent qui vous ayme,
Mon cœur où comme un Dieu vous eſtes adoré,
À qui voſtre peril eſt un mal aſſeuré :
Aſſez de voſtre ſang honore la Phrygie,
La vague du Scamandre en eſt aſſez rougie.
Quel honneur maintenant pouvez vous aquerir ?
Hector, & Sarpedon ne ſçauroient plus mourir,
Ilion n’en peut plus, qu’il ſoit pris par un autre,
La gloire qu’il en reſte eſt moindre que le voſtre.

Achille.

Tu n’es-pas toute ſeule objet de mon ſoucy,
La gloire eſt ma maiſtreſſe, & je l’adore außy :