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LA MORT D’ACHILLE.

Cela ſentiroit trop ſon courage abatu,
Laiſſons-les dans le vice, & ſuivons la Vertu,
Mourons, c’eſt le dernier, & le plus ſeur remede
Que je doive appliquer au mal qui me poſſede.

Il ſe donne un coup
Agamemnon & les Autres.

Hé, de grace !

Ajax, il s’en donne encore un.

Hé, de grace ! Mourons, ha qu’aujourd’huy ma mort
Affoiblit, & r’enforce, eſt utille, & fait tort !
Mais dans mon ſang ma vie, & ma honte ſe noye,
Puis qu’Ajax eſt tombé, ſubſiſte, heureuſe Troye.

Il tombe mort.
Agamemnon.

Ô Ciel ! de ſa main propre il s’eſt ouvert le flanc,
Et ſon courroux éteint fume encor dans ſon ſang ;
Cette mort de nos Dieux eſt donc veuë, & ſoufferte ?
Ha que nous faiſons bien une ſeconde perte !

Ulisse.

Je goute peu l’honneur de ce prix obtenu,
Pleuſt aux Dieux qu’il fuſt vif, & que je fuſſe nu !
Mais puis que c’eſt un mal qui n’a point de remede ;
Dißimulons au moins le deuil qui nous poſſede.