D’un Ceſar un Antoine, un vaincu d’un vainqueur :
Vole ſa liberté comme tu fis la mienne,
Conſerve ta franchiſe aux dépens de la ſienne,
Que cet œil ſi charmant tâche de l’enchaîner,
Et qu’il mène en triomphe un qui t’y veut mener :
Sans rien diminuer de mon ardeur extrême,
Je ſouhaite en mourant que mon ennemy t’ayme,
Je crains plus ton malheur que je ne ſens mon mal,
Et déſirant ton bien je ſouhaite un Rival,
Je veux que de tes yeux ſon âme ſoit atteinte,
Et je fay mon deſir de ce qui fut ma crainte.
Qu’un autre amant receut des gages de ma foy ?
Pers ce cruel ſoupçon, qu’il meure devant toy,
Croy que ma paſsion eſt pure, & genereuſe,
Et que je ſuis fidelle autant que malheureuſe,
Que toy ſeul es l’objet qui cauſe mon ſoucy.
Pour mourir doucement je le veux croire ainſi.
Adieu je n’en puis plus, les forces me défaillent,
Mes dernieres douleurs trop vivement m’aſſaillent,
C’eſt en vain que mes ſens tâchent de reſiſter,
Heureux qui d’un tel coup ſe laiſſe ſurmonter !