Retranchez-vous ſi toſt le fil de ſes années !
Et vous mes ennemis, dieux inhumains, & ſours,
Me privez-vous ſi toſt de l’ame de mes jours !
Ma voix peut contre vous proferer des blaſphêmes,
Et je puis bien pecher ſi vous pechez vous-meſmes.
Tu meurs à ce funeſte, & deplorable inſtant,
Antoine m’eſt fidèle, & me quitte pourtant,
Ha trop cruel exces d’une amitié ſi rare !
La meſme nous joignit, la meſme nous ſepare,
Tu dois cette bleſſure au bruit d’un faux trépas,
Et je te voy mourant, & ne t’imite pas.
La mort que je me donne égalle une victoire,
Ne ſuy donc point mes pas pour partager ma gloire,
Que tout ſeul je ſubiſſe une commune loy,
Contentons la fortune, elle n’en veut qu’à moy :
Je n’eſpere plus rien de la force des armes,
Tu peux tout eſperer de celle de tes charmes,
Tes yeux doivent reluire ailleurs que dans l’enfer,
Je ne ſçaurois plus vaincre, ils peuvent triompher,
La mort eſt un remede à ma peine ſoufferte,
Tu peux facilement recompenſer ta perte,
Et ta beauté peut faire en ſa douce rigueur