Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
De Bansseradde.

Qu’a pratiqué Ceſar à corrompre mes forces,
J’avois beaucoup d’amis qui marchoient ſur mes pas,
Depuis j’ai recognu que ce n’en etoit pas,
185Et dans la lâcheté de leur fuite commune
Qu’ils étaient ſeulement amis de ma fortune ;
Mais croire que mon cœur m’ait mis à l’abandon,
Ceſt commettre une offenſe indigne de pardon,
Et je ſuis criminel d’avoir oſé me plaindre
190D’un mal que noſtre amour deût m’empécher de craindre,
Et puis quand mon malheur viendroit de vos apas,
Je ſerois malheureux, ſi je ne l’eſtois pas.

Lucile.

Nous tardons bien long-temps.

Antoine continue.

Nous tardons bien long-temps. Mais vostre foy m’aſsure,
Mon ſoupçon vous offenſe, & lui fait une injure,
195Et quand je ſouffrirois un tourment infiny,
Ma peine ſeroit douce, & mon crime impuny.

Lucile tout bas.

Qu’une femme aiſément le ſéduict, & l’abuſe !
Abſente, elle eſt coupable, & preſente, il s’acuſe.