Page:Benserade - Cléopâtre, 1636.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
La Cleopatre

Je la vis qui fuyoit, mon ame en fut atteinte,
50Et Je fis par amour ce qu’elle fit par crainte,
Sur le front de mes gens on vid la honte agir,
L’amour qui m’aveuglait m’empeſcha d’en rougir,
Apres ce des-honneur pas un ne voulut vivre,
Le plus lâche ayma mieux mourir que de me ſuivre,
55Et la mer ſous nos pieds rougit de toutes parts
De la honte du Chef, & du ſang des ſoldarts.

Lucile.

Si depuis qu’à ſes yeux voſtre ame eſt aſſervie
Tous vos faits ont terny l’honneur de voſtre vie,
Si voſtre ſort changea quand ſon œil vous ſurprit,
60Accuſez ſon viſage, & non pas ſon eſprit,
„ Quand le ſubtil appas d’une beauté nous bleſſe
„ Nous ne ſommes vaincus que par noſtre faibleſſe :
Chaſſez de voſtre eſprit ces injuſtes ſoupçons,
Le ſort vous perſecute en aſſez de façons ;
65La reine vous trahit ?

Antoine.

La reine vous trahit ? Ouy me trahit, Lucile,
De tous mes ennemis elle eſt la plus ſubtile,
Bien que ceux qui m’aymoient ſe retirent de moy,
Bien que je trouve en eux des manquements de foy,
Bien que je trouve en eux des manquements de foy,Et