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même d’un nombre de syllabes toujours le même. C’est ainsi qu’en Allemagne on a pu imiter jusqu’à un certain point l’hexamètre antique, parce que la syllabe forte, dans la langue de ce pays, a tant de puissance qu’elle peut faire équilibre à deux syllabes faibles. Cependant, comme nous l’avons déjà dit ailleurs, ces hexamètres sont une création artificielle, et n’ont pas, à proprement parler, de valeur littéraire.

3° Dans les vers des langues méridionales modernes, on compte les syllabes, parce que la différence des syllabes fortes et des syllabes faibles n’est pas assez sensible pour admettre une autre mesure. Dans les vers anciens, on les pesait, parce qu’il y avait un rapport certain entre les longues et les brèves. Cependant il pouvait arriver accidentellement que, dans ces vers, le nombre des syllabes fût le même ; dans la poésie chantée, l’identité du nombre des syllabes dans la strophe et l’antistrophe était même exigée. Chez les modernes, le nombre des syllabes varie quelquefois dans la poésie légère. Il peut varier librement dans les compositions musicales. Nous ne reviendrons pas ici sur ce que nous avons dit ailleurs sur le même sujet.

4° Dans les vers des nations méridionales modernes, la rime est nécessaire, parce que des syllabes comptées seules ne peuvent faire naître ni rhythme ni harmonie véritable. Dans les vers anciens, la rime aurait été tout à fait superflue, parce que cette harmonie était intrinsèque, était inhérente aux mots, se trouvait dans chaque parcelle du vers, dans le moindre mouvement du rhythme. Les langues anciennes étaient trop riches, trop harmonieuses, trop musicales, pour avoir recours à un moyen d’harmonie aussi superficiel, matériel, je dirai presque aussi lourd. Elles l’emploient très-rarement ;