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l’harmonie, l’euphonie du vers ; elle ne saurait en changer ni la nature ni l’étendue.

2° Le vers antique et le vers moderne diffèrent aussi par l’emploi et la nature de l’accent. Il y a des accents dans toutes les langues, et de même que chaque syllabe a une certaine durée, chaque syllabe doit être prononcée aussi avec une certaine élévation de la voix. Seulement le caractère des accents grecs, et latins était musical, et l’acuité de leur son était indépendante de la valeur prosodique des syllabes sur lesquelles ils se posaient. Une infinité de syllabes brèves étaient accentuées ; une infinité de syllabes longues ne l’étaient pas. Le vers des anciens, étant entièrement basé sur la quantité des syllabes, n’avait à tenir aucun compte de leur plus ou moins d’acuïté, c’est-à-dire que, dans les meilleurs temps de la poésie grecque et latine, l’accent n’est à peu près pour rien dans la marche du rhythme. Il ne commence à acquérir une certaine importance que lorsque sa nature change, et qu’au lieu d’être exprimée par une certaine acuité, il se rend par un coup, un appui de la voix. Les premières traces de cette transformation remontent jusqu’à l’âge d’or de la littérature latine. Mais ce ne sont encore que les germes d’une révolution dont nous avons esquissé dans les chapitres précédents les phases principales. Ce qui, dans les langues modernes, établit une différence entre les syllabes, c’est le degré de leur force, marqué par l’accent, et non leur poids ou leur durée, indiqués par la quantité. Les vers français forment une succession, irrégulière il est vrai, de syllabes fortes et de syllabes faibles. Dans les langues du Nord, cette succession est d’autant plus régulière que l’accent y a acquis plus d’énergie. Dans ces langues, il est le maître souverain du rhythme ; il peut se passer de la rime et