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SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA

dite des Habitants possédait le monopole depuis quatre ou cinq ans. On accusait ces Habitants[1] d’être en déficit de plus d’un demi-million de francs. M. Aubert de la Chênaye, cité plus haut, blâme fortement leur conduite.

Cinquante Français (des habitants sans doute), que de Lauzon avait enrôlés pour faire un camp volant, partirent de Sillery le 2 juillet 1653, sous la conduite d’Eustache Lambert,[2] dans l’intention de remonter le fleuve et de contenir les Iroquois qui se montraient par bandes à divers endroits du pays. Le plan des Iroquois consistait à bloquer Trois-Rivières et à emporter la place  ; pour cela ils marchaient au nombre de plusieurs centaines, qui apparurent à la fois sur les côteaux et sur le fleuve, coupant toutes les communications. Un de leurs détachements enleva près de Québec le père Poncet, jésuite, dont ils se servirent bientôt pour demander la paix, car la défaite humiliante qu’ils subirent le 22 août à l’assaut de Trois-Rivières (où commandait Pierre Boucher) leur inspira de ruser comme de coutume en parlant de la paix. On y consentit, ne pouvant faire autrement  ; il y eut échange de prisonniers  ; l’automne vit la joie et la tranquillité régner partout. Bien entendu que nos gens ne comptaient pas trop sur la durée de ce calme surprenant, mais dans l’espoir des secours de France, c’était toujours du temps de gagné. Cette trêve, en somme, dura une trentaine de mois qui furent marqués par quelques coups isolés des Iroquois dans nos campagnes. Les principales forces de ce peuple étaient alors occupées contre les autres nations sauvages qui les avoisinaient, à l’est et au sud de leur pays. On se souvient que, auparavant, ils avaient conquis le Haut-Canada. Nous les verrons, après quelques années, entreprendre la conquête de l’Ouest et y parvenir. Tout cela, parce que nous n’avions un peu de troupes de notre côté pour aller mettre le feu chez les Iroquois et par là protéger nos cultivateurs. On a fait l’éloge de ce régime inqualifiable  !

Le 8 septembre 1653 eut lieu la procession du jubilé à Québec, où l’on pria pour obtenir du ciel le prompt retour de M. de Maisonneuve avec les renforts qu’il avait promis : d’amener de France. Le Journal des jésuites renferme la note suivante : « Les Onneyouts voyent la procession où il y avait plus de 400 fuseliers en bel ordre. » La Relation de 1659  ; p. 18, dit de son côté : « On fit marcher quatre cents mousquetaires bien armés… qui donnèrent de l’épouvante aux Iroquois… ce qui les fit juger que cette paix leur était d’autant plus nécessaire qu’ils remarquaient d’adresse en nos Français à manier les armes, dont ils venaient d’expérimenter quelques effets aux Trois-Rivières. » M. l’abbé Faillon (II, 171) commente ainsi ces textes : « On doit supposer que la plupart des hommes armés de la sorte étaient des Sauvages de Sillery ou de l’île d’Orléans, et que ces quatre cents mousquetaires n’étaient pas capables d’inspirer une grande

  1. Voir Société royale du Canada, 1896, pp. 14-17.
  2. Il était dans le pays depuis une dizaine d’années.