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LA GUERRE DES IROQUOIS

alors que mille hommes eussent à peine suffi pour renverser ce que l’on avait laissé s’édifier, c’est-à-dire un pouvoir dix fois plus grand que le nôtre. Les quarante hommes du camp volant ne suffisaient même pas à défendre Montréal, parce que l’ennemi faisait une guerre d’embûches qui tuait nos soldats isolés et les colons, sans attaquer le corps de la place. Que restait-il pour Trois-Rivières et Québec ? Rien. Et pourtant les Iroquois, qui ne dirigeaient point tous leurs coups vers Montréal, s’en allaient inquiéter les établissements situés sur un parcours de 60 lieues en descendant le fleuve.

« Le nouveau gouverneur monta lui-même à Ville-Marie, au printemps de l’année 1649, et réjouit par sa présence tous les colons, charmés de voir ainsi dans sa personne, l’un des Associés de Montréal occuper la place de gouverneur du pays. Les hostilités incessantes des Iroquois ne permettaient guère de voyager alors sur le fleuve sans escorte, et nous voyons que M. d’Ailleboust, en faisant ce voyage, avait dans sa chaloupe douze soldats armés. Cependant, toute l’année 1648 et surtout la suivante, la plupart des Iroquois ayant été occupés à harceler les Hurons dans leur pays et à y mettre tout à feu et à sang, on n’eut à repousser à Ville-Marie que de petits partis de ces barbares, dont M. de Maisonneuve vint aisément à bout par sa prudence et le courage intrépide de ses soldats. Il ne perdit qu’un seul homme… M. d’Ailleboust annonça à M. de Maisonneuve que la grande Compagnie, voulant reconnaître les bons et agréables services que le pays recevait de Ville-Marie sous son digne gouverneur, en avait augmenté la garnison de six soldats, et qu’au lieu de 3,000 livres qui lui avaient été assignées pour lui et sa garnison, il en recevrait à l’avenir 4,000. »

Un peu plus loin, le même auteur dit que, en 1648. on avait appris la tiédeur que les Associés de Montréal manifestaient envers cette œuvre[1]  ; ce qui explique pourquoi M. d’Ailleboust avait tourné ses prières du côté de la compagnie générale dite des Cent-Associés pour secourir sa colonie en détresse.

Le 16 mars 1649. les Iroquois tombèrent par surprise sur les missions de Saint-Louis et de Saint-Ignace du Haut-Canada. Il y eut un massacre général, ou à peu près. Les PP. Jean de Brébeuf et Gabriel Lallemant subirent, avant que d’expirer, des tortures inouïes. Le 17, Sainte-Marie fut attaquée sans être prise, mais le 25 mai les Hurons abandonnèrent ce lieu pour se rendre à l’île Manitoualin, Vers le même temps, le bourg Saint-Jean fut emporté par l’ennemi et le P. Charles Garnier y trouva la mort.

Tout plia devant les Cinq-Nations  ; elles firent du Haut-Canada, une annexe de leurs domaines de chasse qui s’agrandissaient d’année en année. Les armes françaises n’avaient pas défendu ce territoire  ; les Iroquois en

  1. Faillon, Histoire de la Colonie, II, 96, 98.