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LES PLAISIRS DU HASARD

Le Fils. — Où ?

Emmanuel. — Elle a sonné.

Le Fils. — Elle ne viendra pas ici. Je vais au-devant d’elle et on vous fait entrer le bottier.

(Il sort.)


Scène V

EMMANUEL, LE BOTTIER

Emmanuel. — Quelle situation ! Je l’attends depuis huit jours. Elle arrive enfin. Mon cœur s’arrête. Une porte s’ouvre. Et c’est un marchand de bottines en veau qui fait son apparition. (Il se retourne) Bonjour, Monsieur… je suis à la fois ravi et désolé.

Le Bottier. — Monsieur ?

Emmanuel. — Ravi de vous voir, mais désolé, car on vous dérange pour rien. Les bottines de mon ami, le jeune Denis, c’est moi qui les porte.

Le Bottier. — Comment ?

Emmanuel. — Vous avez un client nouveau… Oh !… Oh !… Aïe !… Aïe !… Oui, mon ami, le jeune Denis, souffrait dans ses chaussures et s’énervait : c’est un garçon agréable, mais qui ne se domine pas. Or, comme j’ai exactement son pied, à un millimètre près… Ah !… Oh !… Je vous demande pardon…

Le Bottier. — Souffririez-vous aussi, Monsieur ?

Emmanuel. — Affreusement !… Mais ce n’est pas le même cas ; car moi, je sais que vous