Page:Benjamin - Les plaisirs du hasard, 1922.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
LES PLAISIRS DU HASARD

Le troisième professeur. — La fable.

Emmanuel. — « On conte qu’un serpent, voisin d’un horloger… »

Le troisième professeur. — Arrêtez ! Ce style, quel style est-ce ?

Emmanuel. — Du La Fontaine.

Le troisième professeur. — Ce n’est pas ce que je demande. Est-ce du style simple ?

Emmanuel. — Simple ?… Oui.

Le troisième professeur. — Remarquez le grand S de Serpent. Majuscule. Donc, le style n’est pas simple. Est-ce qu’il est sublime ?

Emmanuel. — Sublime ?… Oui.

Le troisième professeur. — Pourquoi ?… Il n’a ni grandeur, ni véhémence. C’est du style tem…

Emmanuel. — Tendancieux.

Le troisième professeur. — Tendancieux !… C’est du style tempé…

Emmanuel. — Tempétueux.

Le troisième professeur. — Tempétueux !… Où va-t-il chercher ce qu’il dit ? C’est du style tem… Réfléchissez… tem…

Emmanuel. — Oh !… tem… tem… tant que c’est trop !… Pouh ! (à part, mais haut) Ce type est embêtant comme un boisseau de puces ! (Tumulte dans la salle).

Le troisième professeur. — Vous avez dit ?

Emmanuel, très calme. — Une grossièreté.

Le troisième professeur. — C’est ce qui me semblait !

Emmanuel. — Et j’en pense d’autres.