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ACTE QUATRIÈME
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pourquoi n’échanger que des paroles sans grâce ? Pourquoi ce qui est officiel se fait-il agressif ? Pourquoi m’empêcher de prendre une vue artistique ?

Le Président. — Il faut en finir !

L’Huissier. — Allons, donnez !

Le Président. — Jugement !

Emmanuel. — Pourquoi n’est-ce pas l’Amour qui préside à ces petites réunions ?

Le Président. — Jugement !

Emmanuel. — Je reconnais que je suis dans un état d’euphorie…

Le Président. — Le Tribunal, après en avoir délibéré…

Emmanuel. — Mais peut-être, vous aussi, vous êtes-vous mariés ?…

Le Président. — « Attendu qu’il résulte de la plainte de la Faculté de Paris que Emmanuel, qui, à la barre, se déclare « poète et contribuable », a publiquement injurié des examinateurs, fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction, les traitant de crevettes, d’acolytes, etc…, etc…

« Attendu que le prévenu, jusque devant le Tribunal, a paru accepter avec un satanique plaisir toutes les accusations, même contradictoires et a été jusqu’à signaler des injures dont il serait l’auteur et que les plaignants auraient oubliées, telles que : « boisseau de puces » ;

« Attendu, d’autre part, qu’il résulte d’une déposition du Docteur Sandoinet, médecin aliéniste des Hôpitaux de Paris, que Emmanuel ne jouit pas de ses facultés mentales et qu’il semble être, contrairement à l’expression du poète : « Mens insana in corpore sano… »