Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

agiles, silencieuses, respectueuses. Tout cela s’empêtrait, puis se dégageait tranquillement, sérieusement, sans grognements, sans colères. Et l’on n’entendait que le souffle des hommes et des bêtes et l’énorme pétrissement de cette terre boueuse par les pieds et les roues.

Barbet était las, étourdi dans ce mouvement. Il se disait : « Cette guerre est colossale !… Ces Anglais sont formidables !… Il en sort de partout… Ils ont tout créé !… On n’a pas d’yeux assez grands pour les voir… Ça vous dépasse… Nom d’une pipe, que j’ai envie de dormir !

Puis, fermant les yeux, il songea à sa vie ordinaire et pacifique, à son intérieur, à sa femme.

— Il faudrait qu’elle vit par elle-même. Elle ne me croira pas. Comment raconter toutes ces choses superbes… ou horribles ? Car c’est beau de se défendre, mais tout ça pour se tuer !… Ah ! Folie !

— Mongsieur Bâbette, fit tout à coup James Pipe. Pensez-vous mal de moi que vous ne parlez rien ?

— Mon cher major, je songe à la bêtise des hommes.

— Oh ! reprit James Pipe, je souhaiterais alors être un cochon de Guinée.