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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

golait dans les excavations et voulait y entraîner cet excellent Barbet qui protestait : « Je vois… je vous remercie… je vois très bien. »

Mais lui, James Pipe, dénichait ici un sac, là une boîte, là un casque et des pierres calcinées qu’il retournait, qu’il pesait, et partout des fils de fer tordus, dépecés, encore tout barbelés de pointes, les restes de tant de pièges qui maintenant le faisaient sourire.

Le sol, labouré par la mitraille, s’était partout repris à vivre, et tandis que le printemps ne s’annonçait encore nulle part, là, comme si la terre sous cette forme nouvelle était pressée de verdoyer et de fleurir, c’était une poussée d’herbe étonnante, haute et fraîche, qui comblait, cachait, nivelait et qui, d’un terrain ravagé par de pauvres mortels, faisait une vraie prairie renouvelée par l’éternelle nature.

Barbet était français, idéaliste et sentimental, et il ne se contentait pas, comme James Pipe, d’explorer, de découvrir et de constater. Aussitôt, sa cervelle grouillait : atavisme en même temps qu’habitude du métier ; aussitôt il déduisait, songeait, soupirait :

— Dire que tout ça c’était… de la campagne… des champs, des prés, des taillis, des paysages !…