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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

dure, et ce n’est plus douloureux, mais étrange et sauvage. Quand Barbet descendit de voiture sur cette terre historique et qu’il regarda le cœur de la plaine et ce qui s’appelait des villages et des bois, il demeura surpris sans être navré. C’est déchirant de voir un arbre quand la mitraille l’abat, ou, qu’étendu, il tremble encore de toutes ses feuilles ; mais des troncs nus, secs, morts, des poteaux, des perchoirs, c’est pauvre : est-ce triste ? Qu’un obus crève un mur ou pulvérise des toits, les ruines encore chaudes émeuvent comme une plaie vive. Si tout est rasé, si le village n’est qu’un terrain vague avec des détritus, c’est délabré : est-ce pitoyable ?

Le major James Pipe n’était pas un lunatique d’idées, mais il aimait les faits, les résultats, et de ses grandes jambes, fièvreusement, il parcourait l’emplacement des anciennes lignes allemandes, se retournant vers Barbet qui s’essoufflait à le suivre.

— Ah ! Ah ! Les Boches. Où sont-ils ?

C’est vrai qu’il ne restait pas grand chose de leur long séjour, de toutes leurs forces et de leur effort. Même plus de tranchées, des bouts de boyaux, des entonnoirs, des trous de mines. James Pipe, avec une rage de tout voir, dégrin-