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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Pipe, contraint sans doute par des banalités trop grossières, se décida à dire d’une voix toujours aimable :

— C’est le… enfin leur religion, vous voyez… Nous ne pouvons comprendre… mais nous avons à respecter.

Il régnait à ce moment, dans cette campagne ravagée par la guerre, un mortel silence, et ces simples mots, dits sans pompe, avec une pointe de tendresse, étaient d’une certaine grandeur dans la nuit qui étreignait la terre.

Ces messieurs se saluèrent encore. Découvert, le marchand de conserves prononça :

— Moi… retiré des affaires… j’irai aux Indes.

— Oh ! dit l’officier anglais qui le conduisait, et dont on n’avait pas encore entendu la voix, je crains… vous pourrez voir peu.

— Je resterai, reprit le marchand, ce qu’il faudra : trois mois ; six mois !

— Vous verrez rien, répéta l’officier.

— Pourquoi ?

— C’est trop immense… trop incroyable en hommes… et choses aussi.

— Vous y êtes allé ?

— Beaucoup… mais… c’est si grand… je compris mal…