Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

conviction, s’ignorant l’un l’autre. Mais dès que les officiers s’éloignèrent de quelques pas pour se concerter, M. Persigris, qui avait du ventre et la respiration forte, dit à Barbet :

— Qu’est-ce qu’ils discutent ? La sauce à laquelle ils vont nous boulotter ?

C’était un gros homme familier, sans distinction. Il reprit :

— Vous visitez le front, monsieur ?… Diable… je vous en souhaite !… avec ces lascars-là !… Moi ? non, je ne visite plus, merci ! Je suis là pour affaires et je reste prudemment… aux secondes lignes… parce que les tranchées… j’ai fait ça une fois… Vous n’avez pas encore fait ça ?… vous ferez ça demain : je vous souhaite du bonheur !

Il s’approcha contre Barbet pour parler plus bas, et lui soufflant dans le nez :

— Je ne sais pas, monsieur, si vous connaissez bien les Anglais ; mais ce sont des numéros extravagants et dangereux ! Méfiez-vous. D’abord, entre un général en chef et un clown, croyez-moi, il n’y a jamais qu’une très petite différence. Même flegme pour se calotter le crâne ou pour mourir le ventre ouvert, et, ma foi, on se demande s’ils sont sublimes… ou grotesques.