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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Lorsque vous êtes passe dans un État-Major, ils ont du vous pleurer ?

Il répondit :

— C’est moi qui suis en deuil : tous ils ont été tués.

Sa voix marquait un calme qui n’était pas de l’oubli mais du courage. Barbet baissa les paupières, puis d’une voix frémissante :

— Vous avez dû vivre des heures terribles ? Qu’est-ce qui vous a le plus déprimé ?

— Oh ! fit James Pipe, dont la figure aimable était colorée et charmante, le plus c’est le jeu au poker.

— Le jeu ?…

— Yes. Nous jouions la nuit, sous bombardement, toutes les nuits ; aussi c’était très fatigant.

— Major, lui dit solennellement Barbet, vous venez d’avoir ce que nous appelons un mot bien français.

— Français ? Ah ! yes… Regardez ! Regardez ! Un Indien !

Et il fit encore arrêter l’auto.

— Descendons.

C’était un grand soldat des Indes, beau comme dut être le premier homme selon la Bible, avec une barbe soyeuse, un teint cuivré des plus