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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Barbet, ce sont des cuistres. Nous en ont-ils fait un plat avec leur organisation ! Or, la vôtre est supérieure, sans réclame.

— Remontons, dit le major. Je veux vous voyez le veau préservé.

Une fois de plus le chauffeur fit de la prestidigitation avec son volant et sa voiture. Ils croisèrent des troupes en colonnes, des convois de mulets, des canons géants. Devant, derrière, de l’est, de l’ouest, à travers des champs pétris par des milliers de pieds, de roues et de sabots, il affluait des hommes, des charrois, des bêtes de la Grande Armée Anglaise. Et tout cela fourmilliait, pullulait, s’approchait, grandissait. Si bien que devant tous ces soldats, pour la plupart volontaires, à qui l’on avait dit simplement : « La patrie est en danger », Barbet déclara avec conviction :

— C’est raide quand même qu’il y ait encore des Français pour douter de l’Angleterre !

Et il regardait toujours James Pipe.

Celui-ci commençait à s’étonner de promener un voyageur qui tournait le dos à tous les spectacles. Sans cesse il était obligé de lui désigner les choses, et l’autre de dire :

— Oh ! je vois… J’ai bien vu.