Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
54
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

C’est le major James Pipe qui le premier ouvrit la bouche, montrant ses dents blanches :

— Mongsieur Bâbette, vous voulez voir un dépôt ?

Le terrain s’était enflé, puis redescendait mollement. Et l’auto se laissa couler dans la plaine, moteur lâché et toutes roues libres. Brusquement elle stoppa devant des baraques et des wagons.

C’était un des multiples centres de ravitaillement de l’immense armée anglaise. Il y avait là tout un parc rempli de bidons d’essence, de longs trains camouflés, et une forêt morte, arbres couchés et débités, dont il ne reste que des troncs énormes, empilés les uns sur les autres.

— Quelle lutte gigantesque ! dit Barbet.

— Il fallait cela contre le sale Boche, reprit le major James Pipe.

Et il pesa complaisamment sur l’épithète, d’un ton sans colère qui soulignait l’exactitude de la définition, sans en faire une gratuite injure. Puis, sous un hangar, il désigna à Barbet des pneus entassés par centaines, et avec une bonne humeur malicieuse :

— Caoutchouc… yes, caoutchouc !… Je voudrais l’autre, le Fou-Central, le Guillaume-Kaiser, il verrait ça… de loin… avec un lorgnon !