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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

— Non, à gauche… ça c’est un sucrerie.

— Ah ! alors…

Barbet se renfonça sur la banquette, et pour se consoler de n’avoir pas découvert l’église d’Albert, il se mit à méditer lentement, à haute voix, sur un ton grave :

— C’est étrange l’impression que nous font les églises au front… Qu’on soit croyant ou non, je le disais à ma femme : il y a, dans cette guerre, des hasards qui laissent presque croire à la marque d’une main divine.

À cette proposition, le major hocha la tête :

— L’homme, il n’est rien.

Il n’avait pas l’air particulièrement enclin au mysticisme. Alors, Barbet ne poursuivit pas, avant que l’on fût dans Albert. Mais, sitôt descendu, il déclara d’une voix lente :

— Que c’est poignant !

L’église d’Albert est trouée, dépecée, ruinée, vitraux éclatés, murailles béantes, mosaïques en miettes, grilles tordues. Par nichées s’en échappent des oiseaux qui pépient la-dedans avec ce qui reste des saints, et à la vérité ce serait une église simplement douloureuse comme tant d’autres, sans sa Vierge, étonnante.

Elle se dressait au haut du clocher, au-dessus