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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

pliquer, à avoir l’air d’un voyageur qui pense. Aussi, tandis que défilait cette troupe d’hommes volontaires, dont les yeux pâles marquent la douceur inaltérable de leur race obstinée, il se tourna vers James Pipe, dans l’auto, et il discourut en ces termes :

— Magnifique votre armée neuve ! De la discipline, sans servitude.

Il cherchait des mots qui eussent l’air médités.

— … Discipline stricte, mais légère… dictée à chacun par sa conscience.

Il se pencha affectueusement :

— Mon cher major, votre armée de citoyens libres, c’est un défi au militarisme ! Cette armée-là n’a pas connu l’amertume de la caserne !

Il devenait rouge.

— Elle a été instruite au grand air des camps, où le vent emporte les rugissements des sous-offs ! Ah ! Ah ! C’est que c’est une révolution, une armée dont le soldat n’est ni un esclave, ni une brute ! Où…

Il bredouillait d’émotion.

— … Où chaque homme a compris et voulu ! C’est une armée unique ! Ça n’est pas mené à coups de bottes ! Ce sont des « équipes », c’est souple, vivace, hardi !