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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Le major dit :

— Ce était une bonne amie.

Au volant se tenait un jeune Anglais roublard et preste, l’œil expert, la main rusée, le pied rompu aux arrêts les plus brusques, frôlant les uns, doublant les autres, tournant, se glissant, insistant, trompettant, stoppant, repartant, coupant une colonne, piaffant au nez des chevaux, impudent mais drôle, casse-cou mais sûr de lui, prestigieux, fabuleux.

Ils sortirent d’Amiens au milieu d’un convoi qu’ils eurent tôt fait de laisser derrière. Il avait plu ; la boue giclait sous les roues. Brouillard froid ; des prés gonflés, des feuilles qui gouttent ; une journée misérable noyant dans sa froideur mouillée de pauvres nègres qui, les pieds dans des mares, s’efforçaient tant bien que mal de boucher des trous et de niveler des bosses ; et ils étaient gourds, emmaillotés dans des manteaux raides ; mais ni le major, ni Barbet ne se sentirent l’âme lourde devant la peine immense que chaque jour la guerre exige de ces pauvres hommes. Barbet dit simplement :

— La terre entière est avec nous !

Gaîment, James Pipe reprit :

— C’est l’Exposition universelle qui combat !