Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

peau, prêt à s’élancer : le major lui fit signe simplement d’entrer dans l’hôtel.

Le major James Pipe portait un costume d’officier très élégant, sans rien de fanfaron ni de rébarbatif ; aucun emblème dangereux ou macabre ; pas de sabre menaçant et inutile.

Le visage, rasé, était d’une douceur extrême, avec des lèvres minces qui souriaient pour accueillir, plus qu’elles ne parlaient pour expliquer ; et il avait des sourcils un peu frisés, comme les petits cheveux des tempes, qui donnaient de la finesse à cette figure aimable. Coiffure simple, manteau vague en ratine moelleuse, bottes claires et molles, gants d’antilope, un charme infini dans tout l’habillement, et une aisance à le porter, qui faisait songer aux gravures de chasse ou de sport d’une époque agréable. Rien de l’homme d’armes, la grâce d’un gentleman qui sait vivre et qui, sans déguisement farouche, vient faire la guerre à coups de canon, loyalement, dans une tenue libre et dégagée comme sa conscience.

Barbet eut une minute de tristesse. Il regarda le bas de son pantalon qui gondolait, ses bottines dont le cuir se crevassait un peu, et il fut envahi par un regret aigu de ne pas s’être habillé tout de même en Anglais.