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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

dans les boyaux. Il leva la main, et les hommes commencèrent l’exercice que l’on désirait montrer à Barbet et au superbe Si Hadj ben el Haouri.

D’abord, ils se tassèrent tous les cinquante à l’extrémité de la première tranchée ; ils mirent baïonnette au canon ; et leurs figures, alors, commencèrent d’exprimer une émotion violente. Ils étaient figés, les yeux mêmes immobiles, avec tout le corps tendu et les narines qui palpitaient. Puis leur sous-officier engagea les premiers dans le couloir de terre, et ils se mirent à simuler ce que l’affreuse langue guerrière appelle : « le nettoyage des boyaux. »

C’était à croire qu’ils nettoyaient pour de bon : un instant tapis et silencieux, ils s’élancèrent, souples et rapides, et ils se jetèrent sur l’ennemi qui était représenté par des sacs de son, placés dans les détours des boyaux ou au fond des cagnas. Ils étaient rageurs, rouges, suants, les prunelles dilatées, et ils arrivèrent sur ce son, qui sans doute criait « Boche ! » à leur imagination, en poussant des cris horribles de bêles fauves.

Le superbe Si Hadj ben el Haouri bredouilla : « Oh… que Dieu… que Dieu est grand ! » Et Barbet… ne trouva rien à dire. Il regardait ces