Page:Benjamin - Le Major Pipe et son père, 1918.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Mais à peine eut-il avalé un simple œuf sur le plat que le marin serveur, sur le menu en question, lui désigna deux lignes.

Il ne saisissait toujours rien ; il dit : « Bon. C’est parfait ! », rougit, puis, devant l’air égaré du marin, il reprit les trois seuls mots anglais qu’il connaissait : « Yes » et « Very well ». Le marin demeurait toujours. Il fallut l’aide de M. John Pipe. Ce dernier, aimablement, expliqua qu’on ne demandait pas à Barbet une acceptation, mais un choix : l’Angleterre vivait sous un régime de restrictions. Aussi après les œufs le menu du Commodore, même quand M. Elphinston déjeunait, était ainsi arrêté : un seul plat : gigot de pré-salé dans une sauce à la menthe, ou tarte aux groseilles à maquereaux.

— Je… je veux de la tarte, balbutia Barbet, saisi par cette liberté d’esprit qui sacrifie les invités à ce qui semble raisonnable.

Il est vrai qu’entre deux plats, les Anglais choisissent toujours le plus substantiel. Barbet fut seul a manger de la tarte. Et le Commodore en eut tant de surprise qu’il dit avec bonne grâce :

— Ce était toujours les Français qui résistent le plus…

Barbet se mit à causer avec son voisin l’officier.