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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Teuf teuf, teuf teuf, teuf teuf, on dansait sur l’eau que le petit bateau fendait et qui, de chaque côté, éclaboussait joyeusement. Déjà on était à l’autre bout de la rade ; la pluie avait cessé ; le ciel s’était rouvert ; le soleil brillait et mettait des taches vives partout sur la mer mouvante. M. John Pipe allait beaucoup mieux. Ce mouvement rapide, ce ballottement en tous sens l’avaient ranimé, ravigoté ; en une demi-heure il avait grimpé ou était descendu dix fois par des escaliers de marins qui semblaient faits pour des singes. Huit fois sur dix il avait failli tomber à la mer ; à la neuvième, il s’accoutuma, et Barbet put lui dire :

— D’ici quelques années vous aurez le pied marin, monsieur John Pipe !

Il s’amusa de la boutade. L’officier du torpilleur l’avait enchanté. Le soleil enfin le dérida et l’épanouit. C’était comme une résurrection de la mer, un réchauffement et une illumination de tout, de l’eau, des hommes et de leurs bateaux Et pour comble d’étonnement et de bonheur, la vedette semblait maintenant emmener son monde vers un immense navire qui de loin avait tout l’air de ces frégates admirables dont M. John Pipe, amateur de vieilles images, parlait toujours,