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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

tion n’intéressait pas Barbet qui, fiévreusement, discutait avec le Commodore sur le lancement des torpilles, la signification des chiffres sur chaque cadran, les degrés de ceci, l’évaluation de cela. Et il semblait transporté d’aise, cet homme, d’apprendre ces choses sans beauté.

Ce ne fut qu’au bout d’un quart d’heure que M. John Pipe put demander quelques détails sur la vie des marins, enfermés en de pareilles machines à supplices. De peur de se graisser, il tenait son pardessus serré, à deux mains, et dans cette attitude précaire et frileuse, il écoutait, navré, que de juin à septembre on ne pouvait, dans un sous-marin, respirer plus de trois heures sur vingt-quatre, à cause des nuits trop claires qui ne permettaient pas d’immerger, et qu’au surplus, au bout de la neuvième heure, l’air était si vicié qu’on ne réussissait pas à y faire flamber même une allumette. Aussi, les équipages n’étaient-ils composés que de volontaires ; les officiers, sans cesse, avaient l’œil dans une lunette : leur vue ne résistait pas à ce surmenage. Enfin, M. John Pipe, qui n’avait plus le courage de penser ni à Nelson ni aux frégates, retrouvait une marine transformée, gâchée, aussi laide que l’industrie, fabriquée par elle, sentant l’usine, la