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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Je voulais tant mon cher garçon il aurait été marin ! Il choisit de être ingénieur, et j’ai de la peine pour lui, qui fait le sale guerre dans les humides boues. Oh ! il est préférable le navigatione de tous côtés du monde, et de s’éveiller dans les soleils de Orient !

— Mais, dit Barbet, rageur, on ne fait pas guerre qu’en Orient, monsieur Pipe ! Il y a la mer du Nord avec ses sous-marins et ses mines.

Bah ! Barbet ne réussit pas à briser l’élan de M. John Pipe. Peut-être était-il à cheval sur une nuée qui menaçait de crever et de le jeter à terre mais, avant que sa nuée crevât, comme il se trouvait à l’aise dessus ! Il y dansait, le cœur léger. Et sans doute il se croyait un peu trop citoyen de la vieille Angleterre, au temps des frégates et des boulets ronds ; mais Barbet aurait pu attendre que la réalité le désabusât, sans tenter par des raisonnements prosaïques, de lui enlever le plaisir de ses illusions.

M. John Pipe était dans un jour robuste ; il n’était plus seulement bucolique et sentimental. Brusquement il sentait en lui l’hérédité de ses aïeux, grands-pères, grands-oncles, hommes d’action ou de sport, marchands, navigateurs ; mais c’était un désir secret de voyage et d’aventure,