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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

point, et sa proue décidée marchera vers le Hasard.

Dieu fasse qu’il soit clément, mais les mers sont profondes et l’ennemi est perfide. Quatre cents ouvriers d’Angleterre ont donné tout un an de leurs forces et de leurs sueurs pour le construire et le mettre à l’eau. Il emportera toute une armée d’hommes jeunes et solides, avec des munitions pour écraser une flotte… mais si le destin ne lui sourit pas… il se peut que par un jour de malheur, avec toute sa jeunesse et ses canons, en trois minutes il s’engloutisse !

Cette pensée-là figea soudain M. John Pipe, et à la seconde où, partant, il lui donnait un dernier regard, il ne put se tenir de balbutier son inquiétude au jeune officier qui les avait conduits ; mais lui était soldat, et à cet instant il ne fut plus timide. Le drame qu’en une phrase M. John Pipe venait d’évoquer, lui fit dire simplement mais nettement, du ton d’un homme qui prévoit sans s’effarer :

— Yes… Aussi, dans quinze jours, on en commence un autre !