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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

Clyde, tout cela dans le souffle large contre qui il était obligé de lutter.

Mais quand il fut parvenu à la plate-forme supérieure, il ne put s’empêcher de s’exclamer : « Oh ! que tout ceci est admirable ! » Par égard pour Barbet, il avait la délicatesse de dire sa joie en langue française, mais Barbet ne lui en sut pas gré. Barbet était perdu. Il ne pouvait plus dire : « Dans nos chantiers navals en France… » ni expliquer ce qu’on fabrique chez nous… Alors ? Regarder ? Il se croyait d’une intelligence trop vivante pour être simplement passif et laisser ses yeux s’enrichir avec des images ; il avait donc de l’amertume, Barbet ; et à l’inverse de ce qui s’était passé à Sheffield, c’est lui qui remarqua que vue d’en haut, l’œuvre de l’homme est chose petite ! Comme tous ces chantiers paraissaient réduits, ces bassins étroits, ces navires des joujoux ! Et que dire du faubourg voisin, minuscule sur sa colline, avec une église dont le clocher n’avait pas plus d’importance que le mât d’une barque de pêche ? Les bateaux ne sont pas des maisons : ils sont des villes ; et ils se construisent comme elles, avec une armée d’hommes, des tombereaux, des machines, et des trains, C’était, aux pieds des visiteurs, un immense dé-