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LE MAJOR PIPE ET SON PÈRE

voir l’essai ; on n’est que dans un chantier : on voit un port. Hardi, les ouvriers d’Angleterre ! Et quoique la marée remonte la Clyde, la gonfle ou la désenfle, on voudrait que la mer allongeât jusque-là ses vagues pour caresser déjà ce corps de navire, que des mains d’hommes, fiévreusement, consolident.

Côte à côte, et tout le long d’un vaste estuaire, dans l’air salé qui vient du large, ils sont là par douzaines en train de se faire et de croître ; et les forts ouvriers qui ont pris l’habitude de créer ces grandes choses hardies, n’ont même plus de feu ni d’étonnement dans les prunelles.

Cependant, chaque vaisseau c’est un espoir particulier. Il y a le cuirassé, grand, à lui seul, comme une usine, qui, dès qu’on l’entreprend, a cette allure de chef qu’il doit garder dans les combats ; les destroyers, que des équipes façonnent à deux, à trois, tels des jumeaux ; le sous-marin, avec sa forme de projectile aveugle et néfaste ; et enfin le grand navire dont les flancs maternels évoquent des cargaisons, le commerce au long cours et le lointain Orient, d’où l’on revient avec des charges mirifiques. Tout cet avenir n’est beau que parce qu’il est l’enfant d’un passé merveilleux ; l’histoire du peuple britan-